Le 30 juillet 2014, Ségolène Royal présentait son projet de loi de « programmation de la transition énergétique pour la croissance verte ». Le projet de loi sera examiné par la commission spéciale de l’Assemblée nationale, puis par l’ensemble des députés à partir du 1er octobre.
Nous sommes nombreux à estimer, à l’instar du Réseau Sortir du nucléaire, que ce texte est le résultat du travail acharné des lobbies énergétiques, au lieu d’un projet amorçant un tournant décisif… Ce texte creux esquive les enjeux liés à la réduction de la part du nucléaire promise par le gouvernement, enterrant de fait toute véritable transition.
Le Réseau « Sortir du nucléaire » appelle la commission spéciale ainsi que les parlementaires, à se ressaisir de la question, et demande l’arrêt immédiat des réacteurs de plus de 30 ans et une vraie loi de transition énergétique : « Sous couvert du « refus de normes contraignantes », le gouvernement se dévoile : l’exécutif n’a pas de vision ambitieuse, refuse de décider et continuera de laisser la politique énergétique aux mains d’EDF et consorts, marquant ainsi clairement sa position pro-nucléaire. Et de fait, EDF ne cache pas son souhait de voir prolonger la durée de fonctionnement des réacteurs à 50 voire 60 ans. Un projet qui aurait pour conséquences d’accroitre fortement le risque d’accident et enfermera un peu plus la France dans l’impasse atomique ».
Pas d’objectifs, pas de ligne directrice
Après deux ans de discussions, le projet de loi se contente de rappeler l’objectif de campagne de François Hollande d’une réduction à 50% de la part du nucléaire d’ici à 2025.
Quand allons nous passons du simple engagement à l’action ?
Au lieu de définir les capacités nucléaires à retirer, le gouvernement ne décide pas et se contente de proposer un plafonnement de la production nucléaire actuelle. Pas de programmation des réacteurs à fermer, pas de trajectoire précise et d’objectifs clairs de réduction des consommations d’électricité, rien ne permet de déduire comment se concrétisera cette réduction. Il faudra juste s’en tenir à la « programmation pluriannuelle de l’énergie »… Ce flou offre une voie « royale » au scénario plébiscité par EDF : une réduction purement mécanique de la part du nucléaire du fait de la montée en puissance des autres énergies, qui autorise la prolongation des réacteurs existants et même de nouvelles constructions !
L’Etat se refuse à piloter la politique énergétique du pays et abdique face à EDF
Lors du débat sur la transition énergétique, a émergé l’idée d’une disposition permettant à l’État de décider de la fermeture d’un réacteur pour motif de politique énergétique. Cette mesure de simple bon sens ne figure pas dans la loi, remplacée par la programmation pluriannuelle de l’énergie et le postulat qu’aura lieu « un dialogue intelligent et fructueux avec EDF ». Ainsi l’Etat continuera à se plier au bon vouloir de l’entreprise…
Dans le même sens, il n’est fait aucune référence à la fermeture annoncée de Fessenheim… un oubli sans doute ?
Ce choix parait ô combien irresponsable au regard des risques et des coûts croissants de la filière nucléaire, récemment mis en évidence par de nombreux rapports.
Corinne Lepage, ancienne ministre de l’Environnement et présidente du Rassemblement citoyen explique ainsi que cette loi de transition énergétique avec son volet nucléaire sera «votée mais pas respectée». «Cette loi est bien mais l’Etat n’a pas les outils pour le faire et imposer ses choix à EDF, qui va de toute façon continuer à exploiter ses centrales», dit-elle avant de conclure «la France continuera donc à prendre des risques et à dépenser beaucoup d’argent pour cette énergie».
Arrêtons d’engloutir des milliards pour rafistoler nos vieilles installations !
En France, une vingtaine de réacteurs a déjà dépassé 30 ans de fonctionnement, durée approximative pour laquelle ils ont été conçus. Problème : le vieillissement des installations est un phénomène inéluctable et contre lequel on ne peut agir qu’à la marge. Certains éléments, surveillés de près et cruciaux pour la sureté, vieillissent inéluctablement sans pouvoir être remplacés. C’est le cas des cuves de réacteurs ou des enceintes en béton.
Et pourtant, EDF souhaite rafistoler les réacteurs pour pouvoir les prolonger. Un projet qui pourrait coûter la modique somme de 250 milliards d’euros.
Nous devons aujourd’hui faire un choix. Soit engloutir des milliards dans un dangereux rafistolage, soit investir ces sommes, dès maintenant, dans une véritable politique de transition énergétique, en commençant par fermer immédiatement les réacteurs ayant atteint 30 ans de fonctionnement.
Le Premier ministre, Manuel Valls, s’est exprimé à l’université d’été du Medef le 27 août dernier en faveur du nucléaire : «La filière nucléaire est plus que jamais une filière d’avenir pour notre pays», s’est-il exclamé, après avoir déjà déclaré sa flamme à l’atome quelques mois plus tôt, lors d’une visite en Saône-et-Loire.
Ségolène Royal a déclaré quant à elle ne pas vouloir commenter «les déclarations de ses collègues» sur ce sujet, mais a tenu à rappeler que l’objectif et l’engagement vis-à-vis du nucléaire ne changeaient pas. «Rien n’est remis en cause. Le nucléaire fait partie du mix énergétique, c’est une filière d’innovation. La question sera débattue dans le calme au Parlement», a-t-elle affirmé.
A quelques semaines de ce débat au parlement, il est nécessaire de faire entendre nos voix et de montrer à nos représentants et au gouvernement notre volonté de voir évoluer le système énergétique de la France, et la part du nucléaire dans celui-ci.
Le Réseau Sortir du nucléaire vous propose de signer une pétition et exige :
- l’arrêt immédiat des réacteurs qui ont dépassé les 30 ans de fonctionnement
- l’arrêt définitif du programme EPR et de tout projet de renouvellement du parc nucléaire
- l’adoption d’un objectif impératif de réduction de 20 % de la consommation finale d’électricité à l’horizon 2025
- la reprise en main effective, par le Gouvernement et le Parlement, de la politique énergétique du pays et la possibilité, pour l’exécutif, de décider l’arrêt de réacteurs pour des raisons de politique énergétique